Clap de fin pour le dernier Lelouch
Jamais le parvis de la jolie église baroque de Saint-Gervais n’a connu pareil barnum. Des cordons de sécurité contiennent les badauds arrivés en masse pour épier l’équipe de Salaud, on t’aime au grand complet. Le chef d’orchestre, Claude Lelouch, est venu en voisin [NDLR : il habite une partie de l’année à Praz-sur-Arly, où la majeure partie du film a d’ailleurs été tournée dans sa résidence, le Domaine de l’Aigle], accompagné d’Eddy Mitchell, Sandrine Bonnaire, Rufus, Agnès Soral, Irène Jacobs... et bien sûr, Johnny, LA star de ce casting très haut de gamme.
Un Johnny qui s’affiche en grand sur la façade de l’édifice religieux, transformé –pour les besoins du film – en salle d’exposition. C’est là, dans ce lieu rafraîchissant – chaleur caniculaire oblige – que le réalisateur tourne les scènes finales de son 45e long métrage. «Vous êtes venus voir les clichés d’un très grand photographe de guerre, explique-t-il aux 130 figurants. Mais un jour il en a eu marre et il s’est mis à photographier la nature et a nourri une passion pour les vaches.» Des vaches dont les portraits tapissent donc les murs de l’église, autant de tableaux bucoliques entre lesquels la foule déambule.
«Surtout vous ne regardez pas les acteurs», insiste Lelouch. Ni ceux qui sont en bas, ni ceux qui sont en haut, à observer cette marée humaine : Eddy Mitchell et Sandrine Bonnaire. «L’histoire m’a plu, dit-elle. Il y a pas mal de comédiens qui sont ressortis très heureux d’un tournage avec Lelouch. Moi aussi j’avais envie de connaître ça, d’autant qu’il y avait Eddy et Johnny dans cette aventure.»
Un salaud très discret
Ah, Johnny... ! A peine son nom est-il prononcé que tout bascule dans la quatrième dimension. Rien que pour l’appel à figuration, l’office de tourisme de Saint-Gervais, qui gérait les inscriptions, a reçu des milliers de demandes de toute la France, certains proposant même de payer cher pour avoir le privilège de partager une scène avec la star. Une star qui s’est fait très discrète en ce dernier jour de tournage. Arrivé dans une voiture aux vitres teintées, Johnny s’est en effet contenté d’un bref «coucou» avant de s’engouffrer dans la nef d’où les journalistes – pourtant eux aussi appelés à jouer leur rôle – venaient d’être chassés.
Bien qu’ayant été préalablement briefés sur le déroulement de cette scène qui voit le personnage principal – Jacques Kaminsky – traverser la foule, tous les représentants de la presse ont finalement été gentiment poussés dehors sur décision de la production, devant se contenter – depuis l’extérieur – d’écouter les salves d’applaudissements des figurants saluant la prestation de l’idole des jeunes. Nettement plus disponible en janvier dernier, Johnny nous avait alors confié : «Depuis Vengeance de Johnnie To, en 2009, je n’avais plus rien tourné. Donc, redémarrer avec Claude, que demander de mieux ? Pour moi, Lelouch, c’est Le cinéma français. C’est très personnel de tourner avec lui. Il travaille à l’instinct. Sur le moment vous ne savez pas toujours très bien où vous allez mais vous vous y retrouvez vite. C’est très spécial. C’est très humain.»
«La dernière grande star»
Un avis que partagent évidemment ses acolytes dans le film, à l’instar d’Eddy Mitchell – qui campe Frédéric, un autre baroudeur – ou encore d’Antoine Duléry, lui aussi grand ami de Johnny. «Dans cette histoire nous n’avons pas beaucoup de scènes communes étant donné que je suis celui qui rachète la propriété de Kaminsky une fois qu’il est décédé. Mon rôle est donc très sommaire mais il est l’annonce d’un second, plus étoffé, dans la suite de cette histoire qui s’appellera Bandit Manchot.»
Une suite qui devrait donc se tourner sans Johnny, bien qu’avec Lelouch rien ne semble impossible... Une chose est en revanche certaine, le rocker devrait ici livrer une de ses prestations les plus personnelles. «Il a une gueule d’enfer, déclare Antoine Duléry. Qui plus est, il a un vrai instinct d’acteur comme les Gabin, les Ventura. Il n’a plus besoin de faire. Juste à parler. Tout est marqué sur son visage. Johnny et moi nous nous connaissons depuis longtemps. C’est quelqu’un que j’adore, qui est très fidèle et d’une grande tendresse. C’est un mythe. Il a tout traversé. C’est la dernière grande star. Après lui, il n’y en aura plus.»
L’histoire
Le «salaud» du titre, c’est Johnny Hallyday, alias Jacques Kaminsky, un photographe de guerre qui, pendant toute sa carrière, s’est davantage préoccupé de son travail que de sa famille et qui finit par le regretter. Ses quatre filles, prénommées comme les saisons, sont nées à dix ans d’intervalle. Irène Jacobs campe l’aînée, suivie de Pauline Lefèvre, Sarah Kazemy et Jenna Thiam. Quant à Eddy Mitchell, il endosse le rôle de Frédéric, membre de Médecins sans frontières et ami très proche de Kaminsky. Leur amitié sera perturbée par l’arrivée de Sandrine Bonnaire. Salaud, on t’aime devrait sortir au printemps 2014. Une suite, baptisée Bandit Manchot est déjà en chantier.