Vincendon et Henry : hommage aux deux infortunés alpinistes
Il est des événements
qui creusent des sillons indélébiles, même
en des terres aussi cuirassées que celles de Chamonix.
Ainsi l’affaire Vincendon et Henry qui, à
Noël 1956, a tenu en haleine la France entière.
Dix jours durant, elle suivra le calvaire de ces deux jeunes
alpinistes ambitieux (le Parisien Jean Vincendon et son
compagnon de cordée, le Belge François Henry)
qui, après avoir réussi l’ascension de la
Brenva, le 26 décembre, se retrouveront bloqués
à la descente, sur le grand Plateau, à 4 000
mètres d’altitude, par des températures
polaires
(-30 °C).
La faillite d’un système
Après des jours de tergiversations et de défaillances dans les secours (alors assurés par les guides), un hélicoptère sera finalement mobilisé pour tenter de porter assistance à la cordée. Mais le Sikorsky, pataud, se crashera non loin des deux infortunés. L’équipage et les deux guides qui étaient à bord s’en sortiront indemnes. Ils rejoindront les «naufragés», les installeront dans la carlingue de l’appareil et promettront de revenir. Un engagement impossible à tenir...
«Pendant deux ans de ma vie, je me suis imprégné de cette histoire, témoigne l’écrivain Yves Ballu*. J’ai rencontré tous ses protagonistes sans jamais prendre partie. L’aventure ne m’a pas laissé intact. Pour moi, cette affaire va bien au-delà de la tragédie survenue à ces deux garçons. Elle concerne aussi la vallée, les guides, le milieu de la montagne. Ce drame a laissé des traces profondes. Tout le monde s’accorde encore à dire que Vincendon et Henry auraient dû, auraient pu être sauvés. Il y a eu des maladresses, un peu de lâcheté. C’est la société qui a failli à son devoir.» Seule consolation, ce fiasco a été fondateur. Dès 1958, le secours en montagne est ainsi devenu une affaire de professionnels. Mais à Chamonix, la communauté montagnarde mettra, elle, beaucoup plus longtemps avant de pouvoir tourner cette sombre page.
Enfin un signe de compassion
«Lorsque j’ai écrit mon bouquin en 1996,
soit 40 ans après les faits, la plaie était toujours
ouverte, confirme Yves Ballu. Je n’ai pas eu le
droit de consulter certaines archives...» Une
décennie plus tard, la blessure semble enfin en voie de
cicatrisation, comme en témoigne la plaque
commémorative apposée, début janvier, à
l’entrée du cimetière du Biollay. «Ce
cinquantième anniversaire était l’occasion ou
jamais de rendre hommage aux deux alpinistes, explique Yves
Ballu. J’ai suggéré l’idée au
maire de Chamonix, Michel Charlet, qui a demandé
l’avis des guides. Ils ont donné leur accord à
condition que l’initiative ne soit pas polémique. Le
jour de l’inauguration, le président de la Compagnie,
Xavier Chappaz, et son prédécesseur, Bernard
Prudhomme, étaient présents mais aussi
d’anciens secouristes. Le cercle montagnard a donc
unanimement adhéré à ce geste de
compassion.» Un petit signe certes, mais qui a
énormément touché les familles des deux
victimes et en particulier la maman de Jean Vincendon pour qui
chaque Noël est, depuis cinquante ans, un véritable
chemin de croix.
* Naufrage au Mont-Blanc, aux éditions Glénat
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Pour plus d'informations, voir le blog d'Yves BALLU qui a récemment publié des photos et des documents sur le drame Vincendon et Henry:
http://yvesballublog.canalblog.com/