Pierre-Emmanuel Taittinger
«Classer le massif serait le meilleur remède contre la "poids lourdisation" de la vallée»
Animé par la même ferveur patrimoniale que lorsqu’il a défendu «sa» maison de champagne, le plus Chamoniard des Rémois prône la sauvegarde du Mont-Blanc.
D’aucuns se souviennent peut-être de lui, sillonnant les routes chamoniardes au volant de sa 2 CV jaune, bondée de caisses de champagne. C’était à la fin des années 70. La toute première expérience professionnelle de Pierre-Emmanuel Taittinger. Finalement trois décennies plus tard, il n’a guère changé. Sa passion du bon, du beau, du pur est intacte. Tout comme sa fibre combative. Un trait de caractère hérité, en partie, de Gaston Rébuffat, son voisin aux Moussoux. «Je pense souvent à lui. Chaque fois qu’il rentrait de course, j’allais le voir. Il m’appelait par mon surnom "Titi". Ses enfants étaient un peu comme des cousins. Gaston Rébuffat était un grand défenseur de l’environnement. Il avait le sens de l’altitude, physique comme morale. Il parlait merveilleusement bien de la montagne.»
Cette montagne que «PET» connaît depuis sa plus tendre enfance et pour laquelle il revendique une protection urgente. «Le massif du Mont-Blanc est unique. Dans n’importe quel autre pays, il serait déjà classé parc national depuis longtemps. Ce classement est le meilleur remède contre la "poids lourdisation" de la vallée. L’air, ici, est moins pur que dans certaines grandes villes. Ce n’est pas normal. La France doit arrêter de donner des leçons d’écologie. Elle n’est même pas capable de protéger son site naturel le plus visité !», s’emballe-t-il, balayant cette mèche rebelle qui lui donne des airs de poète maudit. De faux airs. Car loin de nourrir de sombres pensées, Pierre-Emmanuel Taittinger a du peps à revendre. Sa devise : aller de l’avant. Autant dire que les querelles de clocher, dont le Pays du Mont-Blanc est coutumier, le chagrinent quelque peu. «Pour moi il n’y a aucune opposition entre toutes les communes. Elles devraient se serrer les coudes autour d’un projet commun pour le Mont-Blanc, que le monde entier regarde. Préserver ce massif est de la responsabilité de tout un chacun. Il faut "jouer collectif". Nous sommes tous concernés. Habitants permanents et secondaires.» P-E Taittinger entend enfoncer le clou, dénonçant au passage ce manichéisme basique qui voudrait sempiternellement opposer les locaux aux résidents. «S’il n’y avait que des lits chauds, 170 000 personnes vivraient à temps plein dans la vallée. Plus qu’à Reims. Je ne pense pas que ce soit la vocation des lieux, souligne-t-il. Les résidents paient leurs impôts toute l’année et ne sont là qu’entre deux et six mois par an. Ce qui ne les empêche pas d’aimer profondément ce site et de vouloir le protéger.»
En adepte des causes difficiles, il continuera, lui-même, à défendre haut et fort les couleurs du Pays du Mont-Blanc, même s’il a, au mois d’août dernier, renoncé à présider l’Association des résidents de la vallée de Chamonix (désormais gérée par Jacques Desmazures). N’y voyez aucun ras-le-bol mais un simple manque de temps. «Quand on se disperse, on devient mauvais, concède-t-il. Je suis trop passionné pour faire les choses à moitié. Ou pour de mauvaises raisons.» La politique, gourmandise familiale*, l’intéresse, naturellement. Mais assortie de certaines réserves. «C’est devenu un métier. Or cela devrait rester un service. Mais pourquoi pas repartir en campagne, un jour…», quand son agenda – pour l’heure tout dévolu à «sa» maison de champagne – lui laissera quelque répit.
Cela dit, qu’importe la charge champe-noise, pas question pour Pierre-Emmanuel Taittinger de faire l’impasse sur ses parenthèses montagnardes. Dans la maison du clan, une vieille ferme restée «dans son jus» depuis un demi-siècle. «Ma famille est à Reims depuis 1927. Et à Chamonix depuis 1920. Tout comme mes frères et sœurs, c’est ici que j’ai connu ma femme [NDLR : son épouse, Claire, est la fille de Jacques Flottard, qui a commandé l’Ecole militaire de haute montagne]. Mes grands-parents maternels, qui étaient artistes, vivaient aux Moussoux sept à huit mois par an. Ma grand-mère a présidé le golf. C’est elle qui, avec Maurice Herzog, s’est battue pour que soit créé ce "18 trous" conçu par Robert Trent-Jones.» Les liens qu’entretient le plus Chamoniard des Rémois avec la vallée sont tout bonnement indéfectibles. «La montagne fait partie intégrante de ma vie, reconnaît-il. J’aime marcher,contempler, rêver. J’aime le silence et la grandeur que l’on trouve là-haut. Plus je vieillis et plus j’en ai besoin.» Ce dernier été fut ainsi riche d’escapades, sur de simples sentes avec ses petits-enfants ou sur des itinéraires plus aériens, du côté de Tête Rousse. «Quand on est jeune, on est plus souvent à L’Irish Coffee, pour gravir les sommets de la nuit. Ce n’est qu’après qu’on a envie de gravir les sommets du jour.» Simple constat d’un quinquagénaire serein. A 55 ans, Pierre-Emmanuel Taittinger n’est pas du genre à se cristalliser sur le rétro. Même si une étincelle illumine son regard lorsqu’il évoque le Chamonix d’antan. «J’ai passé des nuits à la Casita avec le merveilleux poète Bruno Robotti. Il était critique, caustique. Il vit maintenant en Provence mais nous nous téléphonons très régulièrement.» Il s’empresse alors d’ajouter. «Je n’éprouve aucune nostalgie. Ce qui m’intéresse c’est l’avenir ! Je suis un combattant. Quand les hommes regardent les montagnes, ils doivent s’élever intellectuellement, moralement. Le tourisme est formidable si on l’organise bien, s’il est tourné vers les autres. Ce n’est pas une histoire de richesse ou de pauvreté. Je crois aux projets harmonieux. Je crois à l’harmonie.»
* Son père, Jean, a été député-maire de Reims, garde des Sceaux et ministre d’Etat de Georges Pompidou, son frère Frantz était premier magistrat à Asnières et plusieurs de ses oncles sont députés.
Repères
55 ans (il est né le 6 mai 1953 à Reims)
Marié à Claire Flottard
Père de 3 enfants (grand-père de 4 petits-enfants)
Camp de base aux Moussoux
A présidé l’ARVAC de 2002 à 2008
Petit-fils de Pierre Taittinger (fondateur de la maison Taittinger)
Dirige le champagne Taittinger (qu’il a racheté en mai 2006 avec l’aide du Crédit agricole du Nord-Est)
Chief Executive Officer du Domaine Carneros, en Californie
Bien qu'habitué des dégustations des plus grands vins du monde, il y a quelques jours j'ai rencontré un personnage fabuleux, certainement le plus amoureux du Champagne, le plus amoureux du vin, le plus passionné par son métier : Monsieur Pierre Emmanuel TAITTINGER. Cette conférence - dégustation devant une soixantaine de personnes aurait pu durer 2 heures que pas un seul de nous se serait lassé de partager la passion de Monsieur TAITTINGER. Brillant, aimant, à l'écoute, il a su, en 45 minutes, nous faire chavirer et nous convaincre tant il y avait du vrai dans son éllocution. Monsieur TAITTINGER nous vous remercions pour cet instant mémorable. Nous aussi aimons le lièvre à la royale...
J'ai 65 ans et il y a quelques années en arrière quelqu'un m'a fait découvrir le champagne Taittinger. J'ai beaucoup aimé et suis toujours restée fidèle à cette marque car c'est un champagne qui se laisse déguster et qui ne ME saoule pas, c'est étrange car, par rapport à une petite bière qui me met dans tous mes états, le champagne me fait beaucoup de bien. Je viens de voir un reportage sur vous dans PROFIL, je peux mettre enfin un visage sur ce fameux champagne. Je suis heureuse. A l'île de la réunion, j'ai de plus en plus de mal à m'en procurer. J'en ramène toujours deux bouteilles lors de mon retour de voyages. Encore merci pour ce nectar.