Environnement - N°93 - Juin/Juillet 2010

Nouvel «appel pour le Mont-Blanc»

Si emblématique, si vénéré, le Mont-Blanc reste, aujourd’hui encore, un des rares massifs au monde à ne jouir d’aucune protection renforcée. Profitant de la tenue de la «Conférence française pour la biodiversité», début mai à Chamonix, l’association proMONT-BLANC* a lancé officiellement son nouvel «Appel pour le Mont-Blanc». Jean-Paul Trichet, un des vice-présidents, nous en détaille le contenu.

mb93-4.jpgPourquoi avoir lancé cet appel en prélude au grand rassemblement sur la biodiversité ?
Parce que la France ne peut plus ignorer que le Mont-Blanc est aujourd’hui le seul massif planétaire à ne bénéficier d’aucune protection réelle. Il est donc grand temps que l’Etat s’engage à le protéger. A le protéger de l’avenir... On le voit bien avec le dossier des JO Annecy 2018. Rien ne peut, à l’heure actuelle, empêcher des aménagements excessifs. Or, dans un contexte de réchauffement climatique, la tentation de toujours monter plus haut est bien là. Et s’il reste un jour un seul glacier dans les Alpes, ce sera forcément ici, dans le Mont-Blanc. Aujourd’hui, il est indispensable de trouver un équilibre de gestion. Il y a des limites à définir.

Ce terme de «limites» a tendance à échauffer les esprits montagnards. Que mettez-vous précisément derrière ce mot ?
C’est un ensemble de mesures. La capacité de ce site à accueillir des touristes n’est pas infinie. Aujourd’hui, les objectifs ne doivent plus être uniquement quantitatifs. Il faut de la qualité, un lissage de la fréquentation sur l’année. Nous sommes arrivés au bout d’un système. Pendant très longtemps, le seul discours dominant a été de développer davantage les remontées mécaniques pour que les populations puissent vivre au pays. Mais à l’arrivée – pression foncière oblige – les locaux redescendent dans la plaine. Donc, à qui profitent ces aménagements ? Tous ces enjeux doivent nous obliger – ici plus qu’ailleurs – à définir les limites d’équilibre de ce massif.

L’urgence est-elle réelle ?
Oui. Même si à la base nous ne sommes pas «contre les JO», nous sommes conscients que sans protection définie, tout devient possible. Surtout quand on connaît les mécanismes qui accompagnent ce type de dossier «d’intérêt national». Une fois que la machine est lancée, après on n’a plus trop le choix... D’accord, le comité de candidature nous annonce que le tremplin de Courchevel sera utilisé. Mais cela n’engage que ceux qui le disent... On sait très bien que d’ici à 2018 il va encore se passer des choses dans le monde. Donc, c’est dès aujourd’hui qu’il faut enclencher la protection du massif. Voilà aussi pourquoi nous avons choisi ce slogan «Mont-Blanc 2018», un peu par défi. Si en quelques mois la France est capable de monter un dossier olympique, elle doit aussi être capable de monter un dossier de protection environnementale. Mais en vingt ans, cela n’a pas été le cas...

Comment expliquez-vous cette lenteur ?
Je ne sais pas. J’avoue que, parfois, je suis un peu perdu. Il y a trois ans, lors de sa visite de campagne à Chamonix, Nicolas Sarkozy avait dit que la protection du Mont-Blanc  serait un combat pour la France. Aujourd’hui, on ne l’entend plus... L’administration est parfois pour, parfois contre. C’est un dossier compliqué. Pourtant, ce massif a déjà une réalité européenne. La collectivité vient de recevoir 12 M€ dans le cadre du Programme Intégré de Territoire (PIT). Avec cet «appel», nous souhaitons que l’Etat français s’engage enfin à appuyer les collectivités locales et les populations, pour qu’un mécanisme de protection se mette en place, avec des outils adaptés. La France a une grosse responsabilité pour enclencher le processus. Après, l’Italie et la Suisse suivront.

Certains élus locaux sont pour un classement Unesco, d’autres contre. Pour vous, cela reste-t-il LA solution idéale ?
Ce classement est intéressant car il est très positif mais aussi assez ouvert. Il laisse une grande place aux collectivités locales et aux populations pour s’autogérer tout en garantissant une reconnaissance internationale. Ce qui nous semble donc être le mécanisme le plus adapté au massif du Mont-Blanc. Mais rien n’est figé. Nous sommes prêts à étudier toute autre solution ou tout autre outil plus cohérent qui serait approprié à la problématique internationale du Mont-Blanc. Ici nous sommes dans un autre contexte que celui d’un site purement naturel. La pression démographique est très forte. Donc, ce qui compte avant tout, c’est qu’il y ait un vrai plan de gestion définissant les équilibres et les limites à trouver.

* Le collectif, qui regroupe 26 associations (WWF, FFCAM, Club Alpin suisse et Italien, CIPRA, FRAPNA, etc.) – soit 2 millions de personnes – vient d’inaugurer son nouveau site Internet : adresse inchangée mais portail au look et au contenu revitalisés. A découvrir sur www.pro-mont-blanc.org
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