Pays du mont Blanc - N°87 - Juin/Juillet 2009

Le dernier envol de l’Alouette III

Tous les sauvetages héliportés du massif seront désormais assurés par deux EC145 : le bleu des gendarmes et le rouge & jaune de la Sécurité civile.

mb87-3a.jpg«Cordial, ici Dragon 74. On quitte la base. C’est le dernier vol de la “grosse”...». Il était un peu plus de 18h le 14 mai lorsque l’Alouette III de la Sécurité civile a décollé de la DZ des Bois de Chamonix, à l’issue d’une ultime journée de permanence  «Mont-Blanc». Rideau ! Nous ne reverrons plus la silhouette toute en rondeur de l’hélico salvateur. Nous n’entendrons plus le sifflement caractéristique de sa turbine. La «belle rouge» s’en est allée et avec sa retraite se referme un chapitre important de l’histoire du secours en montagne. «Cela représente plus de quarante ans de bons et loyaux services», souligne Denis Zubric, pilote instructeur au sein de la Sécurité civile, qui a assuré les dernières sorties «massif» de l’Alouette III.

Rustique et fiable

«Elle n’a pas pris une ride, même si, avec l’âge, elle s’est un peu alourdie, à la suite de l’adjonction de nouveau matériel. C’est un appareil très rustique avec un rotor anticouple particulièrement efficace et, surtout, un moteur fabuleux, qui délivre un surplus de puissance dont on n’utilise que les deux tiers en permanence. Au point de vue sécurité, c’était fantastique, surtout à haute altitude.» Autant de compliments que Bernard Stoop, mécanicien-opérateur de bord, ne démentira pas. A 50 ans – l’âge de l’Alouette III...–, l’homme affiche 4 700 heures de vol dont 3 600 sur l’emblématique machine. Ce n’est pas sans un pincement au cœur qu’il a vu sa fidèle compagne quitter la scène. «Elle était très attachante car elle demandait beaucoup d’entretien et de suivi. Elle avait des qualités exceptionnelles pour le vol en montagne. Il n’y en a pas d’autre pareille. Pour moi, si un hélicoptère symbolise bien le secours c’est l’Alouette III. Je me souviens d’ailleurs d’une journée à Chamonix où, avec Denis (Zubric), nous avons volé plus de neuf heures pour effectuer 25 missions et 89  treuillages ! Dans ces cas-là, vous êtes contents d’être à bord d’un hélico sûr et fiable.»

15 000 secours dans le massif

Depuis le premier étage des locaux de la DZ des Bois, Denis Zubric, contenant une émotionmb87-3b.jpg bien compréhensible, couve du regard la «miss». A son bord, il a multiplié les sorties de haut vol. «C’est un ensemble, dit-il. Aucune anecdote ne se détache en particulier, même si certaines opérations ont été plus difficiles, comme ces nocturnes dans les Grandes Jorasses, où nous étions secoués par le foehn. C’était impressionnant. L’Alouette III a vraiment accompli des choses superbes.» Même si certaines pages de la saga sont ourlées de noir. «En quarante-cinq ans de carrière et de présence sur le massif du Mont-Blanc, les appareils ont effectué quelque 15 000 secours. Malheureusement certains se sont mal terminés. Dans les années 70, plusieurs incidents ont détruit partiellement les machines, rappelle Denis Zubric. Il y a eu aussi ce crash mortel sur le mont Blanc. Ce sont les aléas du métier. Le sauvetage en montagne est un domaine particulier car nous volons aux limites des possibilités de la machine. Et quelquefois on paie un peu cette difficulté de travail. N’oublions jamais que l’Alouette III a été construite spécialement pour le secours, en dehors de toute loi de marché. Elle a assumé cette mission jusqu’au bout.» Ce qui méritait bien une petite place au Musée de l’Air et de l’Espace, au Bourget. C’est chose faite depuis le 16 mai. Dans le sillage de sa consœur bleue Bravo Lima, Alpha Novembre a ainsi été accueillie en grande pompe par la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie, en présence de nombreux pilotes et mécaniciens de la Sécurité civile, mais aussi de Michel Drucker, «parrain» de la jeune retraitée. Pour revoir une dernière fois l’Alouette III à Chamonix, rendez-vous à la DZ des Bois lors de la traditionnelle journée «portes ouvertes», programmée le 13 juin.

Photo ci-dessus : Denis Zubric, pilote instructeur au sein de la Sécurité civile (à g.) et Bernard Stoop, mécanicien-opérateur de bord.
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