Montagne - N°116 - Avril/Mai 2014

Jean-Marc Silva : «Aujourd’hui nous sommes davantage dans la recherche d’expériences, de plaisirs. La dimension sportive ne prime plus»

Le directeur de France Montagnes analyse les grandes tendances de la saison écoulée.

A l’heure où la plupart des domaines skiables ont refermé leurs portes – ou s’apprêtent à le faire (par exemple aux Grands Montets, en vallée de Chamonix, ce sera le 4 mai) – les professionnels de la montagne sont en majorité satisfaits. Même si l’enneigement n’a pas toujours tenu toutes ses promesses – douceur des températures oblige – et même si l’agencement des calendriers scolaires (français et européens) leur a donné du fil à retordre. Jean-Marc Silva, directeur de France Montagnes, dresse le bilan de ce cru 2013-2014.

 

JdP – Tous les chiffres de fréquentation ne sont pas encore connus, mais à ce stade, peut-on dire que cette saison a tenu ses promesses ?

Jean-Marc Silva – Par rapport à la précédente, qui avait battu tous les records, nous sommes en léger retrait, de l’ordre de – 4 %. Ce chiffre est à relativiser car si l’on dresse la moyenne sur les quatre dernières années, en termes de journées skieur par exemple, à ce jour, nous sommes à + 4 %. Cette saison est complètement différente, avec une météo qui l’est tout autant. Certes il y a eu des chutes de neige précoces, mais ensuite ce fut très disparate. Contrairement à l’année précédente, qui avait connu un enneigement constant. Cela a eu un impact sur la fréquentation, surtout en janvier où il n’y a pas eu de longs épisodes de «beau». Ce qui n’a pas aidé pour cette «grande traversée du désert» de six semaines, entre les vacances de fin d’année (qui ont été très bonnes) et les vacances d’hiver. L’année dernière, le break n’avait été que de quatre semaines car les Belges, notamment, avaient des congés décalés.  

En dépit de leur agencement tardif, comment se sont déroulées les vacances «de février» ?

Elles sont à peu près à l’équilibre, en très léger retrait par rapport à la saison dernière. Et cela, tous massifs confondus. Bien sûr il y a des disparités dues à un enneigement très variable. Les Alpes du Sud ont été les «championnes» de France avec des hauteurs à date [NDLR : fin mars] de 2,35 m en haut et 1,50 m en bas. Suivent les Pyrénées, les Alpes du Nord, le Massif central et le Jura. Les Vosges ont, elles, été un peu pénalisées mais c’est un secteur qui peut faire skier ses clients avec peu de neige – car les pistes sont en majorité des alpages. Qui plus est, les domaines vosgiens sont très bien équipés en enneigeurs.

La clientèle passe de moins en moins de temps sur les pistes (en moyenne trois-quatre heures). Y a-t-il une désaffection pour la glisse ?

Non. Si les clients skient effectivement moins longtemps c’est parce que les domaines sont capables de les faire évoluer dans de meilleures conditions, en moins de temps. Il y a dix ou vingt ans il fallait une journée pour faire quatre à cinq heures de descente. Aujourd’hui cette glisse-là est accomplie en une grosse demi-journée. La moyenne quotidienne des passages aux remontées mécaniques est aujourd’hui la même qu’il y a vingt ans [NDLR : une dizaine par personne]. Les équipements ont un meilleur débit, les pistes sont mieux préparées, profilées. Le matériel est plus performant tout comme les vêtements, plus techniques, qui assurent plus de confort. 

Il n’empêche, alors que l’on entend régulièrement parler d’une nécessaire diversification, la majorité des investissements en station tourne toujours essentiellement autour du ski. N’est-ce pas contradictoire ?

Détrompez-vous. Aujourd’hui la tendance est de vendre des séjours «à la montagne» et non plus des séjours au ski. Même si la locomotive reste effectivement la glisse. Les domaines skiables s’organisent de manière différente. Avant, la segmentation s’effectuait uniquement par rapport à des niveaux de difficultés (pistes bleues, vertes, rouges, etc.). Aujourd’hui, elle s’articule autour des activités, avec des zones «tranquilles», de freestyle, de freeski, des itinéraires de ski de randonnée aménagés (même si c’est un marché de niche), des périmètres dédiés au trail ou au VTT sur neige. Il y a une vraie multiplicité et on voit très clairement les activités d’été s’inviter sur l’hiver. Ce qui confère une vision de la montagne moins segmentée. Et toutes ces disciplines sont prises au sérieux. Comme la luge par exemple. Certaines stations comme Les Ménuires, La Plagne (Colorado Park) ou Les Arcs (Rodéo Park) les ont intégrées sur leurs domaines skiables et plus uniquement sur des zones à l’écart, en bas de pistes. L’idée motrice est vraiment de proposer à la clientèle des expériences nouvelles.  

Est-ce une manière de (re)conquérir une clientèle plus jeune, à l’heure où les classes de neige ont quasiment disparu et que bon nombre de stations se plaignent du vieillissement de la «population» skieuse ?

Bien sûr. Cela nous ramène à une glisse plus ludique. Cela donne un coup de jeune. Au même titre que les freestyle parks, qui deviennent des zones de rendez-vous, d’échanges. Certains riders y passent des journées entières. Aujourd’hui ce n’est plus la dimension sportive qui prime. Nous sommes vraiment dans la recherche d’expériences, de plaisir. Que ce soit dans la contemplation ou dans l’adrénaline. 

En février se sont déroulés les Jeux olympiques de Sochi. Y a-t-il eu un effet JO ? Les retombées sont-elles concrètement palpables ?

Oui, très clairement. Et c’est propre à la montagne. Les liens entre un champion et sa station sont toujours très forts. Ce que s’empressent d’ailleurs de relayer les médias. On l’a bien vu cet hiver au Grand Bo ou aux Contamines-Mont-joie, où le saut de Coline Mattel a battu tous les records d’audience des JO sur France Télévisions. Il y a vraiment une complicité spéciale entre les stations et leurs ambassadeurs. Et un véritable impact au niveau de la pratique sportive. Suite aux exploits de Martin Fourcade, les demandes pour pratiquer le biathlon ont explosé. Certaines stations du Jura, mais aussi aux Contamines ou à Courchevel, ont aujourd’hui ouvert leur tremplin de saut à ski au grand public. Certes, ce n’est pas le grand vol mais ceux qui essaient vivent une vraie expérience ! Tout comme à La Plagne, où il est possible de faire du bob derrière un pilote et ressentir des accélérations de 3G. Les sensations sont inoubliables. 

La saison n’est pas encore tout à fait terminée. Restent ces vacances de Pâques très tardives. Comment s’annonce ce dernier round ?

Voilà trois ans que ces fins de saison nous posent problème en raison de l’agencement du calendrier scolaire. Alors que les dernières zones seront en vacances, les domaines skiables seront déjà fermés. Nos institutions ont pourtant effectué un vrai travail de lobbying auprès du gouvernement. Et il y a eu des résultats. Ainsi les vacances de fin d’année 2016-2017 resteront du samedi au samedi, alors qu’il avait été envisagé de les faire démarrer un mercredi. Ce qui aurait signifié une semaine de perdue pour les stations. Le bloc des vacances d’hiver remonte également d’une semaine en février, donc il n’y aura plus qu’un break de cinq semaines (au lieu de six cette année). En revanche la problématique demeure pour les vacances de Pâques. Les professionnels de la montagne ont donc décidé de réagir en proposant le «printemps du ski». L’idée est non plus d’appréhender cette période comme une fin de saison – ce qui est toujours péjoratif – mais bien comme une nouvelle saison, qui conjugue à la fois les plaisirs du ski et d’une autre réjouissance : VTT, gastronomie, fête, remise en forme, musique, etc. Le printemps offre d’énormes possibilités car il y a plus de douceur, plus de lumière, des jours plus longs. Vous n’avez pas besoin de partir tôt le matin. Il faut juste profiter des bonnes heures du ski puis passer à autre chose. C’est une véritable passerelle entre l’hiver et l’été. Ce «printemps du ski» est testé cette année par de nombreuses stations et nous sommes en train de préparer une opération d’envergure pour 2015. Derrière ce label commun il y aura une vraie mobilisation de l’ensemble des professionnels de la montagne sur cette période-là.

Photo © France Montagnes

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Suite à l’article sur le nouveau refuge du Goûter, paru dans le Journal des Propriétaires du pays du Mont- Blanc n° 107 (octobre-novembre 2012), M. Raymond Courtial, vice-président de la FFCAM, a tenu à apporter les précisions suivantes.

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