Livres - N°107 - Octobre/Novembre 2012

Des rondeurs enneigées mégevanes à la calotte glaciaire du Groenland, en hydravion solaire

 

Avec «De glace et de lumière», roman épique d’anticipation, le couple Anne Réale / Thierry Vigoureux nous entraîne dans une fabuleuse aventure aéronautique et humaine.

Aux antipodes des romans nombrilistes actuels, De glace et de lumière*, le nouvel ouvrage d’Anne Réale et Thierry Vigoureux (leur 2e  en binôme et le 11e de Madame) surfe sur la tradition des grands récits d’aventure. Puisant son inspiration dans ses équipées en avion léger sur le cercle polaire et sur les glaciers du Mont-Blanc, tout en extrapolant les dernières recherches sur l’énergie solaire, le couple nous emmène sur les traces de Stephan, jeune pilote visionnaire, bâtisseur de l’«Oiseau solaire». Son défi ? Rallier les glaces groenlandaises à bord de ce prototype, dans le cadre d’une opération hautement médiatique. Un périple épique et initiatique, dans lequel Megève occupe une place de choix. Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé... n’est donc absolument pas fortuite. A l’image de cette magnifique photo du lac de Javen, qui orne la couverture de l’ouvrage, ancrant définitivement l’attachement des auteurs au village mégevan, devenu leur résidence de cœur depuis trente ans. Rencontre. 

 

JdP – Ecrire à deux mains, est-ce un exercice périlleux ? Comment avez-vous procédé ?

Anne Réale – Nous avons l’habitude de travailler ensemble. Nous avions déjà cosigné un récit chez Julliard, lorsque nous suivions les courses au large, notamment la Solitaire du Figaro. Pour ce roman, Thierry et moi avons élaboré un scénario sur lequel il y a eu plusieurs allers et retours. Le style du récit s’est imposé en fonction des différents personnages. Je fonctionne beaucoup à l’intuition. Ecrire est un plaisir suprême. J’adore jouer avec les mots. A chaque fois c’est une aventure fantastique.

L’aviation est-elle une passion commune ?

Anne Réale – Cela fait pas mal de temps que je suis Thierry dans ses équipées aériennes. Nous avons emmené nos trois enfants à travers la France, dans des petits coucous aux Antilles. Et bien sûr, dans les Alpes. Cet été nous avons d’ailleurs fait un périple en Mousquetaire dans le massif du Mont-Blanc. Donc, l’aviation est effectivement une affaire de famille.

Pourquoi avoir choisi le Groenland comme point de chute de cette aventure ? Est-ce un objectif mythique pour tout pilote amateur ?

Thierry Vigoureux – Le scénario est parti de deux raids que j’ai effectués au Groenland, dans le cadre de reportages. A deux reprises j’ai traversé l’Atlantique en petit avion pour rejoindre Oshkosh, à l’occasion du grand meeting annuel de l’aviation. J’ai été séduit par le Groenland. Ce n’est pas une zone facile car les conditions météorologiques n’y sont pas simples. Elle est balayée par les grands flux océaniques. C’est un massif montagneux dont l’altitude moyenne est la même que celle des Alpes. Il faut donc monter très haut pour survoler le territoire groenlandais.

Anne Réale – La neige correspondait au personnage, à cet avion imaginaire. Nous avons connu beaucoup de marins qui ont disparu. L’univers de la mer et celui de la montagne se ressemblent beaucoup, avec des aventuriers de l’extrême mais aussi des gens solidement ancrés dans la terre. C’est ce que nous avons voulu faire ressortir à travers l’héroïne Anja, qui est un peu comme une femme de guide, de montagnard, dans l’attente, dans le sacrifice. En effectuant mes recherches sur les Inuits et sur tous les villages isolés du Nord-Ouest du Groenland, j’ai trouvé beaucoup de similitudes entre ces peuples et les montagnards d’autrefois, en termes d’authenticité ou de façon de vivre avec les éléments.

On est là aux antipodes du deuxième personnage féminin du roman, Estelle, l’attachée de presse parisienne dans toute sa splendeur...

Anne Réale – Estelle, c’est la caricature de la société de consommation, avec tous ses travers. Et nous voulions ces deux contrastes. On essaie d’en rigoler mais elle est quand même bien réelle. Des Estelle, on en croise tous les jours [rires]...

Tout aussi réel est Bertrand Piccard, dont l’ombre plane sur ce roman, même si votre avion solaire imaginaire n’a pas grand-chose à voir avec son «Solar Impulse».

Thierry Vigoureux – Nous suivons ce projet avec la plus grande attention. Même si nous, nous sommes dans un tout autre registre. Le système électrique couplé avec de l’énergie solaire est une formule d’avenir pour les petits avions. Il est évident que vous n’aurez pas demain un Airbus A380 solaire. La technologie complexe n’est, pour l’heure, pas du tout destinée aux gros transporteurs. En revanche, elle l’est pour des appareils légers. D’ailleurs on devrait en voir de plus en plus dans les années à venir. Nous, nous sommes partis de l’Akoya, un hydravion original conçu par la société Lisa Airplanes, basée à Chambéry [NDLR : c’est d’ailleurs lui qui est incrusté dans la photo de couverture]. Nous nous en sommes inspirés et l’avons romancé pour créer notre «Oiseau». La peinture avec capteurs solaires est le fruit de notre imagination. C’est actuellement une voie de recherche mais elle n’est pas dans le domaine industriel.

Stephan, le héros, a des relations fusionnelles avec son appareil. Est-ce fréquent dans le milieu aéronautique ?

Anne Réale – Nous avons placé Stephan dans des conditions extrêmes. Un peu comme un solitaire sur la mer, lui, se retrouve seul avec son avion. Et finalement, le moyen de survivre, de surmonter l’angoisse, c’est de créer un dialogue fictif avec son avion. Nous sommes ici dans un roman d’anticipation mais la base est réelle. Il y a des personnages, des appareils, des lieux qui existent vraiment. Donc, même si nous sommes dans une fiction, cette histoire est tout à fait plausible.

L’évasion – physique ou par bouquin interposé – est-elle aujourd’hui le dernier rempart contre la morosité ambiante ?

Anne Réale – En écrivant cet ouvrage, nous avons voulu donner au lecteur un peu de rêve, au lieu de tourner de manière nombriliste comme le font beaucoup de romans contemporains. L’aventure, c’est la dernière manière de s’évader dans ce monde. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nous avons sur nos étagères et dans nos cœurs les œuvres de Jules Verne, Jack London, Hemingway, Steinbeck, Saint-Exupéry et Frison-Roche évidemment. Mais aussi, pour des aventures plus ontologiques, Vercors (Les Animaux dénaturés) et Auster, avec son extraordinaire Moon Palace.» 

Thierry Vigoureux – Il ne faut pas non plus oublier Charles Lindbergh, qui a été pour nous une grande inspiration. D’autant qu’il a été très présent au Groenland. Après sa traversée de l’Atlantique, en 1927, il a effectué des missions pour des compagnies aériennes pour créer des réseaux. Il a largement exploré le Groenland avec son hydravion.

Entendez-vous donner un prolongement à cette aventure De glace et de lumière ?

Anne Réale – Pourquoi pas ? Le roman a suscité de belles réactions. Les ventes ont très bien démarré dans les Alpes. L’ouvrage est maintenant lancé sur Paris et au national mais aussi dans la presse aéronautique. Nous devrions revenir pour une signature à Megève, probablement durant les vacances de Noël.

Thierry Vigoureux – Il est aussi question de développer un itinéraire «Sur les traces de». Mais nous en reparlerons plus tard.

 

*De glace et de lumière, Anne Réale et Thierry Vigoureux, aux éditions Pascal Galodé, 21,90 €

 

 

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A la suite de l’accident de ski (collision) dont a été victime son épouse, Jean-Louis Mazert, lance un appel à témoignages à travers nos colonnes.

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