Christophe Barbier, directeur de la rédaction de L'Express, Contaminard de cœur et d’esprit
La silhouette est gracile. Le visage poupin, les traits apaisés. Normal, quand Christophe Barbier pose un pied aux Contamines, la fatigue engendrée par sa trépidante vie parisienne s’évanouit. Comme par magie. «Mes rapports avec le village sont assez telluriques, confie-t-il. C’est comme si je me rechargeais par la terre.» Le jeune directeur de la rédaction de L’Express (40 ans en janvier dernier) entretient une relation «fusionnelle» avec cette vallée où ses racines familiales sont enfouies au plus profond du granit. Pendant que Martine, sa cousine, vaque entre les tables du salon de thé, le journaliste politique dessine les contours du clan Barbier, dont le fief est, depuis des décennies, installé au Champelet. «Mon grand-père était alpagiste et menuisier. C’est lui qui a réalisé les bancs de l’église où j’étais enfant de chœur.» Il couve alors du regard le joli édifice baroque situé de l’autre côté de la route. «Mon père, lui, a été secrétaire général de mairie aux Contamines, à Saint-Gervais, puis à Sallanches. Quant à ma mère, originaire du Nord, elle nous a élevés, mon frère, mes deux sœurs et moi. Tous mes souvenirs d’enfance et d’adolescence sont ici.» L’attachement à cette haute terre est indéfectible mais il n’a pas empêché Christophe Barbier d’aller humer le vent du grand «ailleurs».
Théâtre et politique
A 17 ans, bac en poche, le voilà qui met le cap sur Lyon (hypokhâgne et khâgne au lycée du Parc) puis sur Paris, où il intègre Normale sup’. «C’était pour moi une manière de continuer à étudier l’histoire en train de se faire. Nous vivons dans un pays où la passion politique est très vivace, pleine de rebondissements dramatiques et de personnages hauts en couleur.» Un aspect romanesque qui n’est pas sans rappeler l’autre passion première du journaliste : le théâtre, découvert au collège grâce à Jeannine Robillard. «C’était un professeur de français formidable, se rappelle-t-il. Elle m’a fait aimer l’univers littéraire et théâtral.» Il montera d’ailleurs avec elle la Cie Yielderim, dont les spectacles écumeront la région dans les années 80. Le Théâtre de l’Archicube, fondé avec d’anciens camarades de Normale Sup’, prolongera l’aventure dès 1992 avec, aujourd’hui encore, pas mal de pain sur les planches. Parmi les dernières représentations de la troupe : «Le Souper» (de Jean-Claude Brisville), «Art» (de Yasmina Reza) ou encore «George Dandin» (de Molière). «Le théâtre me procure une détente physique et intellectuelle, qui me déstresse, reconnaît Christophe Barbier. Je ne pourrais pas m’en passer. Je fais la mise en scène et je joue. J’ai d’ailleurs découvert le plaisir de diriger par le théâtre, avant même de chapeauter des équipes journalistiques.» Et à bien y regarder, les deux univers ne sont pas si éloignés que ça. «La politique française opère de façon très théâtralisée avec une distribution des rôles, des rebondissements, des constructions en actes…» Autant de piments dont se délecte le commentateur lorsqu’il s’en va, de bon matin, préparer sa chronique sur LCI. «Cet exercice est excitant pour la curiosité intellectuelle. Il permet d’assouvir mon goût de l’adrénaline et est tout à fait compatible avec mon emploi du temps en presse écrite. La télé, tout comme la radio, ça se passe tôt.» A des horaires de montagnard en fait, ceux auxquels il se plie volontiers lors de sa «cure» estivale contaminarde.
Ses randonnées de prédilection ? Tré-la-Tête, le mont Joly, l’aiguille de Roselette, le lac Jovet… La haute montagne l’a, en revanche, toujours laissé de marbre. «Ma famille y a payé un trop lourd tribut. Deux cousins y sont morts, dont mon parrain, qui n’avait que 25 ans. Je n’ai jamais été attiré par cette mise en péril-là. La part de hasard, de fatalité est trop élevée. On évolue dans le "trompe la mort". Après tout ce temps, je ne suis toujours pas parvenu à percer le secret des alpinistes.» Même après avoir évoqué longuement le sujet avec des «funambules» comme François Fillon ou Pierre Mazeaud. Justement, évoluer dans les hautes sphères de la politique vous coupe-t-il des péripéties du pouvoir local ? «J’ai perdu le contact, avoue Christophe Barbier. Je suis déconnecté, même si j’ai un œil plus acéré sur la région lors d’échéances électorales importantes. Cela dit, j’ai été assez content et même ému de voir une camarade de classe, Valérie Horellou, devenir maire en 2001.»
Retour aux sources
Malgré un emploi du temps très chargé, l’enfant des Contamines se fait un point d’honneur à écrire le spectacle du 15 août, à Notre-Dame de la Gorge. Un exercice qu’il adore et qui lui permet de maintenir le lien avec cette terre qui l’a forgé. «Pour vivre ici, il faut une certaine force de caractère. Les Contaminards sont durs. Avec les bons et les mauvais côtés de cette dureté. Ils travaillent énormément et ne sont jamais dans l’oisiveté ou la paresse. Mais ils sont aussi durs sur le plan des émotions. J’ai moi aussi été façonné de la sorte. Ce qui m’a été très utile à Paris.» Et ce déracinement n’a fait que renforcer son attachement à la vallée. «Quand on voit la métamorphose de certaines stations de Savoie ou le massacre de certaines localités côtières, on se dit que l’évolution a été plus douce et plus harmonieuse au Pays du Mont-Blanc. Ici, il n’y a pas eu de perte d’identité. Il demeure un noyau incandescent. Même s’il y a de plus en plus de résidents secondaires, ils sont très bien intégrés. Ils adorent cette vallée, ils la protègent, ils se mobilisent. Beaucoup sont d’ailleurs devenus, à la retraite, des résidents permanents et c’est tant mieux.» Lui-même envisage-t-il, à terme, pareil retour aux sources ? «Pourquoi pas?, sourit-il. J’ai encore un peu de temps devant moi, mais en tout cas je ne connais pas d’endroit plus agréable que Les Contamines pour finir ses jours.»
Bio «express»
Né le 25 janvier 1967 à Sallanches
Famille installée au Champel
Divorcé. Père de deux enfants (un fils de 15 ans et une fille de 8 ans et demi)
Passions : l’histoire contemporaine, la politique, le théâtre, le rugby, le football
Bac au lycée du Mont-Blanc. Normale Sup’
1985 : monte la compagnie «Yilderim» avec Jeannine Robillard
1992 : création du Théâtre de l’Archicube
Journaliste au Point, à Europe 1
Directeur de la rédaction à L’Express (où il est entré en 1996)
Chroniqueur politique sur LCI
J'ai eu le plaisir d'assister à la cour d'appel de paris , le15 avril 2010 au spectacle donné par la troupe du théatre de l'Archicube qui a inyerprété avec talent quatre pièces de Sacha Guitry. C'était un vrai plaisir. Encore bravo!