Portraits - N°87 - Juin/Juillet 2009

Charles Hedrich : on the road again

Nouveau défi de taille pour Charles Hedrich. L’aventurier de Saint-Nicolas-de-Véroce a entrepris de relier le pôle Nord au pôle Sud uniquement avec des modes de déplacement propres. Une première mondiale !

mb87-10a.jpgAprès le Dakar à moto en 2003, après un tour du monde à la voile en solitaire, en marge du Vendée Globe en 2005, après l’Everest en 2006 et après la traversée de l’Atlantique à la rame en 2007 – record du monde en 36 jours, 6 heures et 37 minutes –, le touche-à-tout Charles Hedrich (51 ans) s’est lancé un nouveau défi de taille : relier le pôle Nord au pôle Sud, en utilisant uniquement des énergies renouvelables (vent, eau, soleil) et des modes de déplacement «propres» (kite, vélo, pieds, cheval, chameau, etc.). Une première mondiale. Parti le 6 avril de Longyearbyen, juste après la nuit polaire, l’aventurier – basé à Saint-Nicolas-de-Véroce – devrait boucler ce demi-tour du monde en mars 2010. Nous l’avons rencontré juste avant son départ.

JdP – Quel est le but premier d’un tel périple ?
Charles Hedrich – Ma motivation est avant tout sportive. Dans tout ce que j’entreprends, je suis la logique d’un alpiniste qui, dans un premier temps, essaie d’atteindre le sommet d’une montagne, puis y retourne en hivernale et, enfin, y réalise des enchaînements. L’aventure est mon activité quotidienne. C’est mon «moteur», même si pour ce défi, je ne recourrai qu’aux énergies renouvelables. Ce parcours «pôle Nord - pôle Sud» a déjà été tenté par quelques personnes. Une ou deux l’ont réussi mais, à un moment ou un autre, elles ont fait appel à un hélicoptère ou un avion, notamment pour mettre le pied sur l’Antarctique. Ce ne sera pas mon cas. 

mb87-11a.jpgComment allez-vous vous déplacer ?
En utilisant les énergies liées au vent, au soleil, à la mer mais aussi la force physique et animale. En tout, je pratiquerai une quinzaine de sports : kite-ski (au Groenland et en Antarctique), kite-surf, buggy-kite (dans le désert), parapente, canyoning, alpinisme, course à pied, ski, cheval, VTT, etc. Dans les disciplines que je maîtrise, j’évoluerai seul et dans celles où mon niveau est correct mais amateur, je serai accompagné d’un professionnel. Notamment pour certaines portions en parapente. Chacun aura sa voile, mais ce n’est pas moi qui prendrai les décisions liées aux conditions de vol.

D’où vous vient ce côté touche-à-tout ?
Peut-être du fait que je ne suis vraiment bon dans rien, mais que je ne suis pas mauvais dans tout... (rires). Aujourd’hui c’est devenu un réflexe. A chaque fois qu’un nouveau sport «nature» apparaît, j’ai envie d’essayer. Dans toutes les disciplines où l’endurance est primordiale, j’ai vu que j’avais des prédispositions. J’ai notamment mené une «expé» sur un 7 000, sans aucune expérience. Nous y sommes allés «en sauvage» et nous y sommes parvenus. Lorsque j’ai participé aux 100 km de Millau, moi qui n’avais jamais couru de ma vie, j’ai terminé à une place honorable (139e). Donc sur ce terrain de l’endurance, j’ai quelque chose à faire.

Au-delà de sa dimension sportive, ce demi-tour du monde aux couleurs de votre association – «Respectons la terre» – aura-t-il une portée environnementale ?
Cet aspect m’intéresse évidemment même si la finalité n° 1 de ce périple est liée à l’aventure, dans le même état d’esprit qui animait le regretté Steve Fossett. Maintenant sur un plan environnemental, je pourrai notamment témoigner du bon usage de ces énergies naturelles – on voit aujourd’hui que les voiles de kite sont notamment utilisées par les bateaux marchands pour économiser du mazout – mais aussi de l’impact du réchauffement climatique. L’exemple le plus frappant est sans conteste celui de la banquise, qui gèle de moins en moins.

mb87-10b.jpgParlons de la banquise justement, c’est sur ce terrain glacé que se noueront les deux épisodes phares de cette longue aventure...
Effectivement. La traversée comporte de nombreuses étapes au cours desquelles il y a des portions agréables mais pas «extraordinaires». Par exemple, rallier les Alpes depuis le Danemark en vélo, c’est long mais l’effort est à la portée de n’importe quel amateur qui aime ça.  Le mont Blanc à skis, c’est pareil. En revanche, deux parties – deux premières – sont  réellement engagées et se feront, si possible, en autonomie complète : pôle Nord Groenland et traversée complète de l’Antarctique à ski, après être arrivé sur le continent à la voile (début novembre). Aujourd’hui des portions importantes de banquise ne sont plus gelées et il faut donc parvenir à les franchir. Avec Arnaud Tortel, un des spécialistes des pôles qui m’accompagne, nous utilisons des pulkas insubmersibles que nous mettons bord à bord, avec nos skis en travers, de manière à constituer une espèce de radeau antarctique. Ensuite, il ne nous reste plus qu’à ramer avec nos pelles à neige.

Quel a été votre programme d’entraînement ?
Pour ce genre d’expédition, il est essentiel de trouver le juste compromis entre partir en forme mais pas trop affûté. Donc, j’ai pratiqué un peu de tout : du vélo, du ski de rando, du kite, dans le Vercors... Je me suis aussi assuré de partir avec le bon matériel, surtout les chaussures, qui sont des modèles d’expédition mais avec une semelle souple adaptée. Ce qui permet d’articuler le pied. Les skis de rando sont également des modèles spéciaux, avec des fixations de fond et des petites peaux centrales, installées de manière définitive. On peut donc alterner le tirage des pulkas et le kite-ski, sans avoir à perpétuellement coller et décoller les peaux.

mb87-11b.jpgCombien coûte une telle traversée Nord-Sud ?
Beaucoup d’argent, car il y a une logistique considérable. Le périple devrait nous coûter entre 1,5  et 2 M€. Hors bateau, que nous avons acheté d’occasion et qui va rester dans le team pour d’autres expéditions. Pour la première fois de ma vie, j’étais parvenu à équilibrer le budget. Mais vu la situation économique actuelle, j’ai quand même dû y aller un peu de ma poche.

Vous considérez-vous aujourd’hui comme un professionnel de l’aventure ?
En tout cas, je ne fais plus que ça. Ma vie, j’ai su la gagner avant, avec une entreprise de chasseurs de têtes, que j’ai introduite en Bourse. Si ma motivation était uniquement l’argent, je ne me serais pas lancé dans ce genre de défi. L’aventure, je le répète, c’est ma passion première. J’ai décidé de la vivre pleinement. Au départ, beaucoup se sont demandé si j’étais vraiment sérieux. D’autant que je communiquais très peu. Aujourd’hui, la France reste  le pays où je dois convaincre le plus. Quand je vais en Suisse, les spécialistes me regardent vraiment d’un autre œil.

Pour suivre cette aventure :
www.charleshedrich.org
www.respectonslaterre.tv



Le périple


Pôle Nord - Groenland  :  pulka-kayak et kite-ski jusqu’à mi-juin (première avec Arnaud Tortel)
Groenland - Danemark : bateau à voile (Glory of the sea), 15 jours jusqu’à fin juin
Danemark - Les Alpes (en passant par l’Allemagne, le Benelux, la Suisse et l’Italie) : à vélo jusqu’au 10 juillet (vélo de route et VTT)
Les Alpes : traversée à ski avec quelques descentes type mont Blanc face nord, canyoning et parapente
Les Alpes - Gibraltar (en passant par la France et l’Espagne) : VTT, cheval, âne, randonnée pédestre, jusqu’au 20 août
Gibraltar - Tanger : nage, aviron ou kite surf, 48 heures
Tanger - Dakar : char à voile, chameau, course à pied, VTT, jusqu’au 10 septembre
Dakar - Recife (Brésil) : bateau à voile, jusqu’au 25 septembre
Recife - Ushuaia : bateau à voile, jusqu’au 20 octobre
Ushuaia - Côte de l’Antarctique (Baie Marguerite ) : bateau à voile, 2 semaines jusqu’à début novembre
Côte de l’Antarctique (Baie Marguerite) - Pôle Sud : en kite-ski, 1 mois et demi jusqu’à mi-janvier
Pôle Sud - Côte Antarctique (Baie des Baleines) : en kite-ski, 1 mois jusqu’à mi-février
Côte de l’Antarctique (Baie des Baleines) - Nouvelle Zélande : bateau à voile,10 mars

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Courrier des lecteurs
Michel Clément [Montbéliard], résident à Chamonix et cycliste invétéré, nous a écrit pour nous faire part de son mécontentement eu égard à l’état des routes dans la vallée.

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