Catastrophe du tunnel : les maires attendent la relaxe de Michel Charlet
Le responsable de la sécurité du tunnel et le maire de Chamonix, condamnés lors du procès en première instance, avaient fait appel. Le nouveau procès s'est déroulé du 19 février au 9 mars à Chambéry.
Le 24 mars 1999, la catastrophe dans le tunnel du Mont-Blanc a fait 39 victimes. En cause : un camion frigorifique belge, transportant de la margarine et de la farine en Italie, prend feu au kilomètre 6 du tube transfrontalier. L'incendie se propage à une vitesse folle. A tel point que les secours se retrouvent pris au piège des fumées. Il faudra deux jours et demi aux sapeurs-pompiers pour maîtriser le feu. L'un des leurs meurt dans les flammes : l'adjudant-chef Tosello, de la caserne de Chamonix. Les 38 usagers morts dans l'incendie ont été probablement asphyxiés dans les premières minutes du drame.
Le tunnel est resté fermé pendant trois ans. De très gros travaux de rénovation ont été entrepris. La circulation a été rouverte en mars 2002, d'abord pour les seuls véhicules légers. Puis aux poids lourds et véhicules de tourisme avec mise en place d'un système d'alternat. Ce dernier ne tiendra qu'un an, avant que le tube ne soit définitivement ouvert dans les deux sens en mars 2003.
Le procès devant le tribunal correctionnel de Bonneville s'est déroulé durant trois mois en 2005. Seize prévenus (personnes physiques et morales) se sont retrouvés à la barre. Ce sont des responsables des concessions française et italienne, des techniciens, le constructeur du camion Volvo, le chauffeur belge, un haut fonctionnaire du ministère des Transports et un élu : le maire de Chamonix. Tous sont poursuivis pour homicides involontaires. Durant ce procès fleuve, les défaillances techniques et humaines sont soulignées, mais aussi le manque de coordination entre les services français et italiens, le manque d'exercice de sécurité et les insuffisances à différents niveaux de responsabilité. Le tribunal ira au-delà des réquisitions du procureur général pour l'un des prévenus : Gérard Roncoli, responsable français de la sécurité du tunnel du Mont-Blanc. Il est condamné à 30 mois de prison dont six mois ferme. Le procureur avait demandé 30 mois d'emprisonnement avec sursis.
Gérard Roncoli a fait appel de ce jugement, tout comme Michel Charlet, maire de Chamonix. Ce dernier a été reconnu coupable parce qu'il avait la responsabilité des sapeurs-pompiers en tant que maire et l'un d'eux y a laissé sa vie. Le tribunal avait prononcé une peine de 6 mois de prison avec sursis et 1 500 E d'amende à son encontre.
Tous deux se sont retrouvés devant la cour d'appel de Chambéry, pour un procès de trois semaines, du 19 février au 9 mars. Le chauffeur belge, Gilbert Degrave, amnistié en première instance, a été une nouvelle fois entendu. Tout comme Rémy Chardon, président de l'Autoroute et Tunnel du Mont-Blanc (ATMB) au moment de la catastrophe, venu soutenir son ancien salarié, Gérard Roncoli. Rémy Chardon avait été condamné à deux ans de prison avec sursis et 15 000 E d'amende en correctionnelle. Durant ces journées, il a encore été question de sécurité dans le tunnel et la mise en perspective des travaux effectués depuis la catastrophe.
«M. Roncoli a demandé pardon aux familles mais nous ne lui avons pas encore accordé», confie Xavier Chantelot, porte-parole de l'association des familles des victimes de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc. L'avocat poursuit : «Il a au moins reconnu sa responsabilité, ce qui est la preuve que cet accident n'est pas dû à la fatalité. Mais il n'a pas dit toute la vérité.» Pour le porte-parole, il ne fait aucun doute que certaines personnes savaient que des usagers étaient dans le tunnel alors que, dès le début, cette éventualité a toujours été rejetée par les plus hautes autorités. Xavier Chantelot reconnaît que ce nouveau procès a permis de bonnes résolutions, mais il trouve une nouvelle fois étrange que de nouveaux éléments interviennent comme la cassette vidéo de la salle de régulation. Cette fameuse cassette qui était en panne depuis un an et qu'un régulateur vienne à la barre dire, pour la première fois, qu'il avait fait la remarque à son acolyte lors du changement de poste le jour du drame. Pour Xavier Chantelot, «les familles sont satisfaites mais aussi déçues de l'attitude de M. Roncoli. Et puis aussi parce que tout le monde n'a pas été jugé, comme certains anciens préfets de Haute-Savoie ou des personnes présentes dans la salle de régulation.»
Au terme de ces trois semaines, l'avocat général a demandé la confirmation de la peine à l'encontre de Gérard Roncoli mais une diminution de celle de Michel Charlet, la ramenant à 3 mois de prison avec sursis. Pour le maire de Chamonix, les familles de victimes lui ont une nouvelle fois apporté leur soutien dans une demande de relaxe du tribunal, «les faits étant bien au-delà de l'élu».
Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 14 juin. Gérard Roncoli a promis qu'il s'en tiendrait à ce jugement et ne se pourvoirait pas en cassation quelle que soit la sentence.
8e cérémonie de commémoration
Le 24 mars dernier, jour anniversaire de la catastrophe, plusieurs dizaines de proches des victimes se sont recueillies devant la stèle commémorative, érigée près de la rampe d’accès au tunnel. Cette 8e cérémonie, sobre et émouvante, était placée sous le signe du souvenir mais aussi du pardon. «La justice est passée, elle nous a rendu raison dans la limite de ce qui pouvait être fait. Essayons donc – chacun de notre côté – de pardonner à ceux qui se sont enfermés dans des fautes aux conséquences si lourdes», a demandé André Denis, le président de l’association des familles. Si le groupe reste soudé, il entend désormais se rapprocher de la FENVAC (Fédération nationale des victimes d’accidents collectifs).
Michel Charlet soulagé
Les trois mois passés à Bonneville avaient laissé à Michel Charlet un amer goût de frustration. Frustration de ne pas avoir pu suffisamment s’exprimer et expliquer de quelle latitude il disposait pour toute décision relative au tunnel. A Chambéry, le maire de Chamonix a pu longuement prendre la parole. «Le président était très à l’écoute et les familles de victimes m’ont soutenu, sans ambiguïté. L’avocat général a par ailleurs reconnu que je n’avais aucun pouvoir à l’intérieur du tunnel.» Michel Charlet se déclare donc optimiste quant au jugement. «Si je suis relaxé, ce sera une première nationale et, à ce titre, elle constituera une jurisprudence très importante en matière de responsabilité des maires.» En revanche, si une nouvelle condamnation est prononcée, avec les mêmes termes qu’à Bonneville, le premier magistrat chamoniard envisage de se pourvoir en cassation.
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